GRASLourdes

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02/10/2010: Gouffre Berger

02/10/2010: Gouffre Berger 

CASSOU Dominique
MANTHON Cyrille (SGCAF)

Compte-Rendu de Cyrille

Le Berger de Cyrille : (02/10/2010)
Samedi matin, 8h30. Dominique et moi arrivons presque en même temps au parking de la Molière. Il va faire une journée superbe, le décor est déjà grandiose.
C’est parti, en route pour le Gouffre. La marche d’approche est magnifique, la forêt verdoyante, le lapiaz comme dans les livres. Nous arrivons sur place en un peu moins d’une heure et je découvre enfin l’entrée du trou. J’en ai le frisson. J’ai vu des centaines de photos de cette entrée. Mais cette fois, je la vois pour de vrai. C’est extraordinaire. Mes souvenirs d’Opération – 1000 remontent instantanément et je ne peux m’empêcher pendant quelques secondes de penser aux anciens, aux équipiers de  Jo berger qui étaient là au même endroit il y a presque 60 ans, observant le trou pour la 1ère fois, y descendant sans savoir que… L’instant est vraiment solennel. Dans quelques minutes, j’y serai à mon tour… Avec Dominique, on se dirige vers la stèle située à quelques mètres du trou. On observe les plaques fixées à même la roche, en mémoire de 3 spéléos que le Gouffre n’a pas voulu laisser ressortir : Erick Meunier et Alain Marechal sur l’une, Jean-Luc Bontempi sur l’autre. J’essaye de me remémorer l’historique du Berger que j’ai récemment re-rédigé pour les besoins du site du SGCAF. Mais ces 3 décès ne me disent rien. Ce n’est qu’à mon retour à la maison, après relecture de l’historique, que leur fin tragique me reviendra à l’esprit : Erick et Alain sont morts en tentant de remonter le Puits Gaché en crue. Jean-Luc, lui, est mort d’hydrocution dans la Galerie de la Boue. Quelles qu’en soient les causes, nous nous disons avec Dominique que ces 3 là étaient bien trop jeunes pour mourir.

Il est un peu plus de 10 heures lorsque nous descendons la doline d’entrée. Nous remplissons soigneusement le cahier d’entrée-sortie et descendons le 1er puits. Dominique a amené une claie de portage qui nous sera utile au retour. Il la laisse à la tête du Puits Ruiz, à gauche de la plateforme en bois. A droite de cette même plateforme, un petit méandre en cul de sac lui sert de planque pour stocker les clés de voiture. Nous descendons.

C’est juste magnifique. Le Puits Ruiz, les 3 Ressauts Holiday (qui ne sont pas englacés), le Puits du Cairn, la Salle du Cairn où un nouvel hommage à un spéléo disparu nous attend. Le premier méandre est en point de mire, avec quelques passages délicats et le merveilleux ouvrage de l’eau sur la pierre. Le deuxième méandre m’apparaît comme une copie du premier, en un peu plus difficile, en un peu plus court, mais tout aussi fascinant. Le puits Aldo conclut cette première partie de visite et nous voilà à -250 au bout d’une heure chrono.

On m’avait dit que c’était immense. Mais je n’imaginais pas cette Grande Galerie aussi immense que ça. Je ne sais plus où tourner mon regard, c’est trop vaste, gigantesque, inimaginable. On commence notre crapahutage et le bruit de la rivière arrive très vite à nos oreilles. Elle n’est pas très grosse et coule paisiblement. Et dire que c’est cette même rivière que l’on retrouve bouillonnante quelques kilomètres plus bas aux Cuves….

Le Lac Cadoux est à sec. Comme lors du retour de Cécile le mardi, le bateau du SCV est lamentablement échoué sur le sable, complètement dégonflé. Arrivés à la Cascade du Petit Général, j’informe Dominique que c’est précisément ici que la bande à Berger a pu apporter la preuve de la continuité du Gouffre et des Cuves. La descente se poursuit à un bon rythme, agrémentée de multiples pauses photos. Dominique mitraille tout ce qui passe devant son objectif.
Le Bivouac est en vue. C’est très étrange ces 2 tentes plantées là, dans ce décor obscur et lunaire. Dominique y laisse quelques affaires qui ne lui seront utiles qu’au retour. Nous regardons l’heure, cela fait exactement deux heures que nous avons quitté la surface, notre régularité est métronomique.

Dominique m’invite à poursuivre et nous descendons vers la Salle des Treize. Il n’y a pas de mots pour décrire cet endroit et là encore, toutes les photos que j’ai pu voir sur ce lieux me reviennent à l’esprit. Les concrétions majestueuses, trônant devant leur parterre de gours, nous observent en silence. Elles semblent humaines parfois, témoins muettes de plusieurs générations d’explorateurs, filles du temps à l’échelle géologique, manifestations pleinement vivantes d’un monde souterrain en perpétuel mouvement.

Nous continuons la descente et soudain, une vue dégagée vers le bas de la galerie m’indique intuitivement que nous arrivons au Balcon. La Vire et le P15 prévus au programme sont présents à l’appel, mais Dominique repère avant moi le Vagin. C’est vrai que ce petit filet d’eau fait vraiment beaucoup de bruit. Les deux coulées de calcite sont ensuite un pur régal à descendre. Le volume sonore de la rivière s’amplifie, le décor est magnifique, il ne manquerait plus que quelques plantes vertes. J’ai l’impression d’être dans un décor de film, genre Indiana Jones ou quelque chose comme ça. Quel bonheur de voir tout ça, quel bonheur d’être là.

Dominique s’arrête au Ressaut du Vestiaire. Il est 13h10, nous avons mis 3 heures pour atteindre -640. Pendant que Dominique se change (il enfile sa néoprène) je jette un œil au passage qui conduit au Vestiaire. J’irais bien y faire un tour. Mais le passage est bien arrosé et jusque là, j’ai réussi à ne pas me mouiller. Je préfère donc rester sec, plutôt que de courir après ces 5 derniers malheureux mètres. Il est convenu dès le départ que je n’irais pas à -720 avec Dominique. Pendant qu’il file chercher le kit, je remonterai jusqu’au bivouac où je l’attendrai. Il est 13 h30 et Dominique est prêt. Il estime qu’il en a pour environ 3 heures et on se donne une heure limite où, si je ne le vois pas revenir au bivouac, je devrai venir à sa rencontre au moins jusqu’au Vestiaire.
Me voilà seul, livré à moi-même. C’est bien la première fois que je me retrouve tout seul dans une grotte. Et c’est ici, dans le gouffre Berger, que cela arrive. C’est très grisant, absolument pas inquiétant. Je remonte par où je suis descendu quelques minutes plus tôt. Même si à l’aller je me suis souvent retourné, le chemin du retour est pour moi comme du jamais vu. Je reprends des photos du Vagin sous un autre angle, puis j’arrive au pied du P15. Je poursuis mon chemin, c’est une sensation indescriptible que d’être là, tout seul. Puis quelque chose de très grand brille soudain au loin : c’est une des tentes du bivouac. Je finis de grimper les derniers mètres et enlève machinalement mon gant pour regarder l’heure : il est 14h15. J’aurais mis 45 minutes pour remonter depuis le Ressaut du Vestiaire.
J’ai faim. Je m’installe dans une des tentes, sur un matelas, à l’abri et j’attaque l’énorme part de taboulé que j’avais emmenée. Il fait très bon dans cette tente. Le bivouac est silencieux, désert. Seuls quelques bruits se font entendre parfois au loin, gouttes d’eaux chutant lourdement sur la roche ou dans un gour. Cette ambiance est vraiment saisissante, je l’apprécie énormément en même temps que je la découvre. Elle est un mélange de solitude et de sécurité à la fois… c’est le pied.

Je termine mon repas par un bon café, il est 15 heures. Dominique ne sera pas là avant un bon moment, et je décide d’aller faire des photos à la Salle des Treize. Au fil des photos et des angles de vue, je comprends que cette salle mériterait un éclairage digne de ce nom, un éclairage format Scurion, quelque chose qui crache, quelque chose qui pourrait mettre en valeur les volumes, les distances, les reliefs, l’alternance de la roche et de l’eau. Mon éclairage s’avère souvent insuffisant pour pouvoir réaliser ce que j’ai en tête, mais je photographie quand même, cette salle est fantastique. Puis la batterie de mon appareil commence à manifester des signes de faiblesses… Ayant repéré une couverture de survie dans une des tentes, j’ai envie de me faire un bon point chaud, juste pour pouvoir accumuler de la chaleur tout en écoutant le silence. Alors que je pose la main sur mes bougies, au fond de mon bidon, un éclair au loin attire mon attention, suivi d’un deuxième. C’est Dominique qui revient et je pars à sa rencontre. Je vois la lumière de son casque alors qu’il arrive tout en bas de la Salle des Treize. Il est 16 heures, il n’aura mis que deux heures et demie pour revenir de la Cascade Claudine avec un bon gros kit bien rempli. Il s’installe à son tour au bivouac et mange un morceau, tout en me racontant tout ce qu’il y a à savoir sur la portion -640 -720, là ou 2 kits attendent d’être sortis par une prochaine équipe.

Il est 17h00 et nous quittons le bivouac. Nous attaquons la remontée. On arrive au bas du Puits Aldo au bout d’une toute petite heure et on décide d’une pause avant d’attaquer la remontée terminale, tout en continuant à discuter.
L’Aldo est équipé en double et nous en profitons. J’y vais doucement, à coup de foulées régulières et je ne tire quasiment pas sur les bras, insistant d’avantage sur la poussée des jambes. Arrivé en tête de puits, je ne suis quasiment pas essoufflé. Je décide de continuer comme ça, en gérant l’effort au mieux. Je ne m’arrêterai plus jusqu’à la sortie du trou, enchaînant systématiquement au sortir de chaque puits ou ressaut. Les 2 méandres seront avalés de la même façon. Cette remontée, et la façon dont je l’ai vécue, restera pour moi un des enseignements majeurs de cette sortie, tant d’un point de vue technique, que physique et surtout sur le plan psychologique.

Je sors du Gouffre, ça y est, je l’ai fait! Dehors il fait nuit, il fait bon, il est 21h10 lorsque je remplis le cahier d’entrée-sortie. Dominique surgit du trou quelques minutes après, notre périple aura duré onze heures, dont trois pour vaincre les 250 mètres de remontée. On se repose quelques minutes, puis on refait les kits pour la marche de retour.
Finalement, c’est peut-être cette marche de retour qui sera la plus dure. Les jambes commencent à faire mal très rapidement. Chacun de mes pas sur la pierre provoque un choc terrible dans mes cuisses et alourdit les enjambées au fil des minutes. Le retour à un sol plus souple fait un bien fou. Je me demande si cette fatigue soudaine est juste personnelle ou si elle est partagée. Mais Dominique me confirme qu’il commence lui aussi à tirer la langue et qu’il lui tarde d’être arrivé au parking… Nous discutons pour tuer le temps, évoquons à l’avance les différents repères que l’on a à l’esprit et qui nous permettent de baliser mentalement notre progression : retrouver le GR, un petit portail métallique, un petit pont, puis un autre, une clôture électrique… Nous arrivons au parking de la Molière un peu avant 23 heures. Il y a beaucoup de voitures garées, alors que les deux nôtres étaient les seules le matin même. Ca fait un bien fou de poser les kits, d’enlever la combinaison, les chaussettes néoprènes, les chaussures. J’enfile des fringues sèches et chaudes, il fait assez froid, il y a du vent. Ca y est. Tout est rangé, toutes les affaires sont dans le sherpa…j’offre une bière à Dominique et je me débouche un coca. Dernières minutes de partage, après une journée inoubliable, la concrétisation d’un rêve…

Le retour sur Grenoble se passe mollement, je suis heureux. Je suis encore dans la Grotte, je vois les Puits, la Cascade du Petit Général, la Tyrolienne…et tant d’autres choses. J’écoute distraitement la radio que je capte très mal jusqu’à Engins. Ce soir, les Verts ont fait match nul contre l’OM à Geoffroy Guichard. Malgré cela, ils restent en tête de la Ligue 1.

Photographies



12/01/2016
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